5eme étape: Puente-la-Reina > Villamayor de Monjardin

ETAPE N° 5  DATE : Mer 11 mai 2011 TRAJET :           PUENTE-LA-REINA > LIZARRA /ESTELLA  >  VILLAMAYOR DE MONJARDIN
DST : 33 km	MOY : 9,2 km/h		ASC : 805 m	DSC : 465 m	LAP : 2	Temps sur la selle : 3h36		Temps total :  6h09
Altitude Arrivée  695 m		Heure départ : 7h15		Heure arrivée : 13h25			Météo : Beau et chaud

          Hier soir j’avais remarqué, (ils sont encore peu nombreux) un cycliste dont le vélo était surmonté d’un drapeau brésilien. Tout naturellement, au matin, je fais la connaissance de Wilton qui parle français. Me voyant dépourvu de drapeau, il m’offre un drapeau français, en m’expliquant que c’est également (mais inversé) le drapeau de sa province au Brésil. Je l’attache derrière ma selle et il couvre mon porte-bagages. Désormais, on ne me prendra plus pour un Suisse, la croix de Savoie sur la bavette arrière portant à confusion. Je lui donne en échange un porte-clé-dynamo. Nous petit-déjeunons ensemble mais nous nous séparons rapidement car il prend la route et moi, le chemin.

           Peut-être nous retrouverons-nous à Santiago ? C’est avec regret que je le quitte, mais cela ne dure pas et je réalise que, sur mon camino, je ne suis pas seul mais accompagné d’une foule de parents et d’amis disparus ou encore vivants, que j’aime, qui me soutiennent et pédalent avec moi. C’est sans doute pourquoi il m’arrive de parler, de pleurer ou de rire tout seul sur mon vélo et un compagnon de route serait alors un importun.

            Je comprends ce jour là que je poursuivrai mon pèlerinage ainsi jusqu’à Santiago. Et puis, il y a tous ces pèlerins rencontrés aux étapes, avec qui on a plaisir de discuter sans tabous ni arrière pensée car on sait qu’on ne les reverra pas.

           La rue principale de Puente est orientée Est-Ouest et se trouve baignée par la lumière orange du soleil levant qui allonge démesurément les ombres des pèlerins. L’ombre géante qui me précède se charge de prévenir les piétons qui s’écartent et que je remercie d’un « bon camino » selon l’usage.

 

           Dorénavant, la Camino va flirter avec l’autoroute de Santiago qui défigure ce paysage  de Far-West. Combien sauvage et belle devait être la vue sur le village de Cirauqui, avant la construction de ce large ruban gris ! Dans le vieux village, on oublie l’autoroute et le « raidar » monté « tout à gauche » parmi les piétons permet d’accéder au guichet du « selio » ou les pèlerins font la queue pour obtenir le tampon bien mérité.    

            Au fond de vallons asséchés, demeurent encore de beaux ponts moyenâgeux, tels qu’ont pu les voir les pèlerins des siècles passés.

              Lizarra – Estella : haut lieu du camino sur le Rio Ega me retient quelques heures avec ses 4 églises. Je mange d’une salade en barquette devant le palais des Rois de Navarre et poursuis mon chemin par la Calle de la Rua.                                                                                                                                                             

Une odeur bizarre plutôt agréable, mélange d’eau de vie et d’andouillette, augmente peu à peu et je parie qu’il doit y avoir une distillerie, vu la proximité des vignes d’Irache. A un carrefour, j’aperçois la distillerie, mais pas de fabrique d’andouillette ni de panneau invitant à la dégustation. J’aurais bien aimé goûter l’origine de ces divins effluves mais la chaleur, et les 8 km de montée à venir m’en dissuadent.

Décidément, Bacchus est du voyage car au monastère d’Irache se trouve une fontaine à vin (gratuite) tout à côté de la fontaine à eau. Comme il fait chaud, je me contente de remplir ma gourde d’eau et de boire une gorgée de vin que je distillerai pendant la visite de l’imposant monastère. Le camino n’est pas très bon en cet endroit et je ne regrette pas ma sobriété car trous et cailloux menacent suffisamment mon équilibre.

             Le ciel se charge à l’Ouest d’un front orageux d’un bleu-gris uniforme mais j’aurai largement le temps d’arriver à l’Albergue de Peregrinos du village de Villamayor de Monjardin

Après un sévère « raidar-tout-à-gauche » voici l’unique albergue du village qui donne sur la place centrale. Par chance il reste quelques places et elle accepte les cyclistes. Quel bonheur d’être enfin propre, d’utiliser une mini essoreuse à linge et d’être sûr de pouvoir le rentrer sec avant l’orage qui se prépare car il doit y avoir au moins 35°  sur la terrasse ou se trouve les « tenderos » (étendages)

Cette magnifique auberge qui domine la plaine du Rio Ebro est tenue par un couple de Hollandais très religieux qui, au repas du soir, précédé d’un bénédicité, propose pour la soirée une réunion de prière et distribue gratuitement de petits extraits de l’Evangile. (Un pèlerin espagnol qui a sorti son porte-monnaie ne comprend pas qu’il s’agit d’un cadeau) L’hôtesse fait le tour des tables en ayant un mot gentil pour les solitaires ; elle me raconte leur intégration difficile dans un village espagnol quelque peu sclérosé.

 En fait depuis quelques heures, je ne suis plus seul, car j’ai fait la connaissance de Josiane et Christiane que j’ai accompagnées dans la visite  du grand domaine viticole qui entoure ce village perché. J’apprécie beaucoup de pouvoir échanger en français sur des sujets qui ne sont pas seulement  utilitaires ou météorologiques.

            La fatigue, mon peu de goût pour la prière commune et mon naturel de couche-tôt me poussent à rejoindre le dortoir que je partage avec 8 quinqua ou sexa, sexe et nationalités mélangés.

           Comme il m’arrive de ronfler bruyamment et pour éviter des coups d’œil assassins au lever, j’annonce la couleur en  proposant  des bouchons d’oreille à ceux qui les auraient oubliés. Tous en sont déjà équipés et me remercient pour cette délicate attention.